• LA DÉTENTION DIRECTE DE L’IMMOBILIER

Le bien est détenu directement dans le patrimoine privé ou le patrimoine professionnel de l’entrepreneur ou encore dans la société d’exploitation.

Avantages :

Détention dans le patrimoine privé

L’entrepreneur est directement propriétaire de l’immeuble et son patrimoine privé en est augmenté. Ce choix simplifie la détention car il n’y a ni structure supplémentaire à créer, ni bail commercial à établir.
L’entrepreneur peut déduire de ses résultats imposables la valeur d’un loyer normal pour l’occupation du bien. En contrepartie, il doit déclarer les loyers perçus dans la catégorie des revenus fonciers.
De même, le déficit foncier est applicable en cas de travaux importants sur le bien immobilier.

Par ailleurs, la revente du bien bénéficie de la plus-value immobilière des particuliers, qui diminue avec l’écoulement du temps.

Détention dans le patrimoine professionnel ou dans la société d’exploitation

Dans cette hypothèse, le bien est également acheté en direct, mais inscrit au bilan de l’entreprise ou de la société d’exploitation. Les avantages de cette option sont nombreux.
La solvabilité de l’entreprise est augmentée et l’obtention de financements est facilitée.
Sont déductibles du résultat de l’entreprise l’ensemble des frais afférents à l’immeuble acquis :  frais d’acquisition, frais financiers, taxe foncière et  intérêts de l’emprunt immobilier.
L’amortissement est applicable aux constructions et permet de réduire le résultat imposable.
Le patrimoine immobilier détenu par l’entreprise est exclu de l’IFI du dirigeant.
Le pacte Dutreil, dispositif fiscal exonérant à hauteur de 75 % des transmissions à titre gratuit des entreprises, peut être mis en place.

Les inconvénients

Le choix de la détention directe de l’actif immobilier présente plusieurs inconvénients.
Dans le patrimoine privé, les charges déductibles de l’immeuble sont limitées et le bien est inclus dans le périmètre de l’IFI du dirigeant.
Dans le patrimoine professionnel, les difficultés se présentent dès lors que l’activité économique liée à l’exploitation se porte mal et ou cas de projet de cession de l’actif immobilier immobilisé.
En effet, la survenance d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) expose directement l’immeuble inscrit au bilan aux risques de saisie.
En cas de transmission intrafamiliale, l’immeuble inscrit au bilan peut compliquer la composition des lots à partager entre les enfants repreneurs ou non repreneurs.
Par ailleurs, lors de la transmission à titre onéreux (vente, apport) de l’entreprise, la valeur patrimoniale de la société est artificiellement augmentée de l’immeuble, ce qui peut peser sur l’endettement du repreneur et donc sur l’attractivité de l’entreprise.
Concernant le volet fiscal, la cession de l’immeuble détenu par l’entreprise est taxée à la plus-value professionnelle, quelle que soit la durée de détention du bien cédé ; l’assiette de calcul de cet impôt est assez lourde, compte tenu de la prise en compte des amortissements. Ainsi, l’avantage fiscal de l’amortissement peut se trouver largement diminué par une imposition conséquente de la revente.
Compte tenu des désavantages importants de la détention directe de l’immeuble, le dirigeant devra privilégier, lorsqu’il a le choix, la solution de la détention indirecte.

  • LA DÉTENTION INDIRECTE PAR LA SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE

Le montage consiste à constituer une SCI qui acquiert l’immeuble en s’endettant et le donne en location à la société d’exploitation (SARL, SAS). L’autre montage résulte du rachat, par la SCI, de l’immeuble détenu au bilan de l’entreprise dans le cadre d’une opération de refinancement, bel outil de création de trésorerie pour l’entreprise.
Le dirigeant est associé dans les deux structures. Les autres associés de la SCI peuvent être la famille du chef d’entreprise, des tiers, voire également l’entreprise dont la trésorerie pourra être utilisée.

La SCI ayant l’avantage d’offrir une grande liberté contractuelle, le chef d’entreprise devra veiller à se faire nommer gérant majoritaire afin d’en garder la maîtrise.
Durant la période de fonctionnement, les loyers constitueront une charge déductible pour la société d’exploitation et un revenu foncier pour la SCI.
Le patrimoine immobilier est ainsi protégé d’une éventuelle procédure collective que subirait l’entreprise. Outre le fait de constituer un complément de revenus à la retraite du dirigeant, la SCI lui permet également d’organiser la transmission équilibrée de son patrimoine entre ses enfants repreneurs et non repreneurs de l’entreprise.

Le choix de l’option pour une SCI à l’IR ou à l’IS ?

Le régime fiscal de la SCI peut être à l’impôt sur les revenus (IR), on parle de SCI semi-transparente, ou à l’impôt sur les sociétés (IS).
La SCI est dite semi-transparente en cas d’option pour l’impôt sur le revenu. Dans cette hypothèse, le résultat est imposable selon la qualité de chaque associé. Pour les associés personnes physiques, le résultat sera soumis aux revenus locatifs et bénéficiera de plus-value immobilière des particuliers. Ce choix impose, bien entendu, que la société conserve bien une activité civile de location nue et ne se livre pas à une activité commerciale (marchand de biens) sous peine d’être soumise de plein droit à l’IS.
La SCI peut opter pour l’IS. Le compte de résultat est établi au niveau de la société selon les règles des BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et est soumis à l’impôt sur les sociétés. Les cessions sont taxées à la plus-value professionnelle.

  • UNE STRATÉGIE MIXTE : L’ACQUISITION EN DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ

Dans ce dispositif, la société d’exploitation acquiert l’usufruit temporaire des biens, pour une période fixée, généralement entre quinze et vingt ans, et la nue-propriété est acquise par le dirigeant. Ainsi, la société d’exploitation jouit de l’immeuble et peut l’occuper sans avoir de loyers à régler durant toute la période du démembrement. Elle peut amortir l’usufruit, déduire les frais d’acquisition, prendre à sa charge et amortir les travaux.

Le dirigeant, privé de revenus fonciers durant la période fixée, devra financer sa nue-propriété, généralement avec un prêt in fine.
Les avantages sont nombreux. Pendant la période de démembrement, le nu-propriétaire, n’ayant pas de revenus locatifs qui viendraient alourdir son taux marginal d’imposition, est dispensé de l’imposition des revenus fonciers, protégé des aléas des risques locatifs et de l’IFI. Il bénéficie, néanmoins, de la durée de détention de la plus-value immobilière des particuliers.
Le patrimoine du chef d’entreprise est valorisé puisqu’il récupère à l’extinction de l’usufruit, sans fiscalité complémentaire, la pleine propriété d’un bien dont il a assumé uniquement le coût de la nue-propriété.
Cette période correspondant généralement au départ en retraite du dirigeant et à la baisse de ses autres revenus, les loyers lui procureront un complément de revenus.

Les limites de cette solution

L’Administration reste très vigilante sur ce dispositif d’optimisation afin qu’il ne constitue pas un montage à but majoritairement fiscal. Les cas de remise en cause du montage étant fréquents, il conviendra de se ménager les éléments de preuve justifiant qu’à l’extinction de l’usufruit, l’opération reste économiquement avantageuse pour la société d’exploitation.
Par ailleurs, depuis 2012, le cédant est soumis à la fiscalité des revenus fonciers, dont l’aspect confiscatoire a freiné ce système sauf dans l’hypothèse d’une personne morale soumise à l’IS (promoteur, marchand de biens…), pour laquelle le schéma demeure intéressant.

  • CONCLUSION

Le mode de détention de l’immobilier d’entreprise relève d’un enjeu majeur dont les divers paramètres nécessitent une collaboration étroite entre le notaire, l’expert-comptable, l’avocat et le banquier autour du chef d’entreprise. Cet accompagnement global permettra de définir au mieux les objectifs et préciser une stratégie adaptée au mode de détention de l’immobilier professionnel.

Article publié dans le magazine “les Affiches de Grenoble et du Dauphiné, rubrique l’Etude des notaires”, 16 mars 2022