Pour la plupart, la résidence principale représente l’essentiel des biens du ménage. Dès lors, protéger le survivant du couple dans son cadre de vie demeure la préoccupation première, indépendamment de tout mode de conjugalité. Voici quelques clés afin d’éviter des situations complexes.

Outre les soucis que génèrent le règlement d’une succession, la détresse du survivant se trouve bien souvent aggravée lorsque le décès de l’un conduit à bouleverser ses conditions de vie. De plus, l’ignorance des conséquences juridiques du choix de son union en cas de décès ne facilite pas un règlement apaisé de la succession. Il est ainsi primordial d’appréhender toutes les facettes de son union, afin d’écarter toute situation complexe voir dramatique au moment du décès du compagnon/compagne. 

A ce jour dans notre pays, trois modes de conjugalité se partagent la scène : le mariage, le pacte civil de solidarité (PACS) et le concubinage, avec un degré de protection décroissant.

Alors que naguère la seule façon de vivre en couple reposait sur des liens du mariage, la société a évolué et l’union hors mariage n’est plus illégitime si bien que les couples se voient offrir le choix du mode de leur union. Le recul de l’institution du mariage s’explique par l’instauration le 15 novembre 1999 du pacte civil de solidarité (PACS), venant concurrencer, sur certains points, le régime protecteur offert par le mariage. Quant au concubinage, il est librement choisi par les couples même s’il n’emporte guère d’effets juridiques. Lorsque le choix du mode de conjugalité se présente aux couples, il est conseillé de solliciter son notaire pour que ce dernier puisse dispenser de tous les conseils requis à la configuration familiale des tourtereaux. Ainsi, lorsque la porte d’un office notarial n’est pas franchie de manière anticipée, seules les règles légales tendent à s’appliquer, parfois au grand tumulte de l’entente familiale. Une protection anticipée et adaptée aux différents intérêts en présence, ne sera que moins douloureuse qu’une protection réduite à une peau de chagrin, notamment en cas de concubinage. En effet, en l’absence de volonté, la protection légale du survivant varie en fonction du mode de conjugalité adopté par les couples.

Les règles en l’absence de volonté

Concubinage

Il n’y a aucune protection spécifique du lieu de vie partagé par les concubins n’est insérée dans le Code civil. De plus, le concubin n’étant pas héritier, il n’a pas vocation à rester dans le logement du défunt. Le législateur a seulement prévu, en cas de concubinage notoire, le bénéfice au survivant, du droit au maintien dans les lieux avec continuation ou transfert du bail en cas de décès du titulaire du bail. Le bénéfice de cette mesure a été élargi au cours de l’année 2009 aux concubins de même sexe.

Pacte civil de solidarité

Au plan civil, la situation du partenaire est un tout petit peu plus confortable que le concubin survivant. En effet, similairement à ce dernier, le partenaire survivant n’a pas la qualité d’héritier. En revanche, au plan fiscal, depuis le 22 aout 2007, la loi TEPA les a exempté de droits de succession, au même titre qu’un conjoint survivant.  Le législateur a également accordé au partenaire survivant un degré de protection supplémentaire de son cadre de vie en lui octroyant certains droits sur son logement. Outre la continuation ou transfert du bail d’habitation, le bénéfice du droit temporaire au logement du couple lui est accordé.

Réservé initialement aux couples unis par les liens du mariage, le droit de jouissance gratuite pendant douze mois a été étendu au partenaire de Pacs. Ce droit temporaire de jouissance s’exerce au profit du partenaire survivant dans les mêmes conditions que pour le conjoint, à l’exception prêt que ce droit n’est pas d’ordre public pour les partenaires. Le défunt peut l’en avoir privé par testament. Ce droit de jouissance gratuite permet ainsi de préserver dans les meilleures conditions le cadre de vie habituel du survivant. Cette jouissance s’applique que le logement ait été acquis en indivision par les deux partenaires, qu’il appartienne exclusivement au défunt ou soit indivis entre lui et un tiers, ou bien encore qu’il soit loué. Dans les deux cas, propriétaire ou locataire, et sauf s’il en a été privé par testament, le partenaire a droit au remboursement des loyers pendant un an par la succession.  Droit temporaire au logement ou simple droit au bail, l’institution du mariage tire son épingle du jeu en accordant au conjoint survivant une protection optimale du logement de la famille.

Mariage

La suprématie du mariage au PACS et concubinage s’explique par la qualité de conjoint survivant accordée par le législateur au survivant marié. Personne intime au défunt, bénéficiant d’un ordre à lui tout seul, il domine le banquet successoral aux côtés notamment des héritiers légaux, soit les descendants ou père et mère. En l’absence d’enfant et d’ascendant, le conjoint survivant évince même les frères et sœurs. Il peut ainsi appréhender l’intégralité de la succession, en ce compris le logement familial en dépendant, c’est dire la place qui est la sienne. Cette promotion dont le conjoint survivant a bénéficié, est issue de la loi du 3 décembre 2001, qui, tout en augmentant sa vocation légale, lui a accordé une protection spéciale de son logement. Désormais, en présence d’enfant commun du couple, et sauf volonté contraire, le conjoint survivant recueille à son choix, toute la succession en usufruit ou le quart en pleine propriété. L’universalité de la succession en usufruit lui permet notamment de conserver la jouissance de la maison, sans qu’aucun enfant ne puisse s’y opposer. Le conjoint est par conséquent assuré de rester chez lui en cas de décès de l’autre.

L’usufruit est le droit d’utiliser un bien et d’en percevoir les fruits. Ce qui s’apparente en matière immobilière, au droit d’usage et d’habitation d’un logement, dont la propriété appartient à un autre, soit le nu-propriétaire. En revanche, en présence d’enfant non commun, la loi lui refuse des droits en usufruit.  Seul le quart de la succession en pleine propriété lui est accordé. Dès lors, malgré cette privation de jouissance, en présence de famille recomposée, le législateur a veillé à la protection du cadre de vie du survivant du couple. Cette protection est effectivement accordée à tous les conjoints survivants, peu importe leur régime matrimonial (régime communautaire ou séparatiste), et leur configuration familiale (présence ou non d’enfants communs). Ainsi, le conjoint survivant, non divorcé, dispose de deux droits successifs destinés à lui assurer la jouissance de son logement.

Dans un premier temps, il a le droit de rester gratuitement dans les lieux pendant un an à compter du décès, et de bénéficier pendant la même durée de la jouissance du mobilier. La loi lui accorde ensuite le bénéfice jusqu’à sa mort du droit d’habitation assorti d’un droit d’usage sur le mobilier le garnissant. Ce droit viager au logement n’est réservé qu’au seul membre d’un couple uni par les liens du mariage. Il convient alors de souligner que le droit temporaire au logement n’assure au conjoint ou partenaire successible, qu’une simple jouissance gratuite limitée dans le temps, contrairement au droit viager du logement conférant au conjoint survivant un droit d’habitation sur le logement et un droit d’usage sur le mobilier sa vie durant. Certes de moindre portée que le droit d’usufruit, ce droit viager participe de la promotion dont a pu bénéficier l’époux(se) survivant(e) au cours du XXIème siècle. En outre, la loi a permis au conjoint survivant et aux héritiers, en présence d’accord, de convertir ce droit d’habitation et d’usage en une rente viagère ou en capital. Voici une modalité d’extinction du droit viager d’habitation, mais qui ne pourra être imposée au survivant, dès lors qu’un accord unanime est nécessaire. La souplesse de ce dispositif permet au survivant du couple de pallier aux éventuels inconvénients résultant de son maintien dans un logement devenu dans le temps inadapté à ses besoins.

Pour conclure le volet du mariage, il convient également de rappeler que le conjoint survivant bénéficie du droit de se voir attribuer en priorité, et ce même en présence de demandes multiples, la propriété ou le droit au bail du bien lui servant de résidence principale ainsi que du mobilier le garnissant. Cette attribution préférentielle est de droit au conjoint, ce qui veut dire qu’en présence de demandes multiples d’attribution, il se trouvera alloti par préférence à tout autre héritier. De plus, il peut bénéficier de délais spéciaux pour le paiement de la soulte qui serait notamment due aux héritiers réservataires. Depuis le 1er janvier 2007, l’attribution préférentielle de la propriété du logement et de son mobilier est également de droit pour les partenaires survivant, à la condition que le défunt l’ait expressément prévu par testament. En revanche, le partenaire ne peut pas exiger de délai de paiement de la soulte. Nous l’avons compris, ni le concubin, ni le partenaire ne peuvent rivaliser avec le régime légal de protection du cadre de vie du conjoint survivant. En revanche, en présence de manifestation de volonté, ces minimas légaux peuvent être surpassés, à contrario, réduits de manière drastique.

L’ANTICIPATION SUCCESSORALE

Divers procédés sont susceptibles d’être employés pour garantir la protection du survivant dans le logement familial. Ces procédés supposent d’avoir été en amont discutés et étudiés avec son notaire.

 Le concubinage

Partant des attentes des couples non mariés qui ne souhaitent pas s’engager dans un PACS, la pratique notariale préconise certains types de contrats, assortis de clauses et de montages juridiques permettant de répondre aux attentes des concubins. Achat en indivision, constitution d’une société, recours à la tontine, achats croisés, le rôle du notaire est alors d’être très attentif à la situation familiale des concubins afin de délivrer des conseils pertinents au cas par cas. Aussi, malgré l’absence de protection légale, les concubins peuvent anticiper et chercher à assurer l’avenir du survivant, grâce également à des libéralités, donation ou testament. Toutefois, hormis les restrictions civiles notamment en présence d’enfants réservataires, en matière fiscale les concubins demeurent pour l’heure toujours taxés à 60 % de la valeur des biens légués. Au plan civil, la présence d’enfants (communs ou non) réputés héritiers réservataires perturbera inévitablement l’application des dernières volontés du défunt. En effet, dans la mesure ou le concubin n’a pas la qualité d’héritier, il ne peut être gratifié que grâce à une donation ou un legs.

Pour autant, ces libéralités sont limitées par la réserve héréditaire accordée à tout enfant du défunt. La réserve héréditaire s’entend d’une partie de son patrimoine que le défunt ne peut pas librement donner à titre gratuit. Cette portion se trouve « réservée » à ses héritiers que l’on dit réservataires. Par conséquent si la personne outrepasse cette quotité, ses héritiers réservataires peuvent à son décès demander la réduction des donations ou legs excessifs.

Pacte civil de solidarité

Rappelons ici l’exonération fiscale dont bénéficie le partenaire survivant contrairement au concubin. Il est au point de vue fiscal traité comme un conjoint survivant qui recueille la succession en franchise d’impôt. C’est ainsi que depuis la loi TEPA, le notaire propose au partenaire qui ont soif de protection la formule « PACS + testament », l’un n’allant pas sans l’autre. Ainsi la transmission en usufruit de ses droits détenus au sein du logement du couple s’effectue le plus souvent par testament.

En revanche, contrairement aux couples mariés, les legs en usufruit ne peuvent s’imputer que sur la quotité disponible ordinaire, ce qui veut dire qu’ils ne peuvent venir grignoter la réserve des enfants même en usufruit. Ce legs de l’usufruit de la résidence principale, bien qui pour la majorité des français représente l’essentiel de leur patrimoine, est souvent excessif et par conséquent, se verra sanctionné, soit par le biais de la réduction, soit par une sanction plus originale qu’est la substitution du disponible ordinaire à la libéralité en usufruit de l’article 917 du Code Civil.

Ainsi dès lors que les conditions de l’article 917 du Code civil sont réunies, en cas d’atteinte à leur réserve, les héritiers réservataires auront le choix :

  • soit laisser la libéralité excessive s’exercer. Le partenaire peut ainsi demeurer dans les lieux sa vie durant. Le démembrement de propriété perdure ainsi.
  • soit demander sa réserve en pleine propriété en abandonnant en contrepartie le disponible ordinaire en propriété. Dans ce cas, le démembrement prend fin laissant place au régime de l’indivision.

La méthode d’imputation en assiette rappelée dernièrement par la jurisprudence ainsi que les sanctions de l’excès, sont très souvent mal vécues par le partenaire survivant, qui par le biais d’un testament se pense protéger dans son cadre de vie au même titre qu’un époux. Pour anticiper ces situations, le notaire dispensera de tous les conseils requis à la rédaction du testament. Plusieurs pistes de réflexion pourront être ainsi discutées en cas de libéralité excessive qui porterait atteinte à la réserve des enfants, comme notamment de proposer au testateur en cas de legs de l’usufruit du logement d’écarter les dispositions de l’article 917 du code civil et d’imposer des délais de paiement de l’indemnité de réduction. De même, dans ces situations le recours au contrat d’assurance vie pourrait être bénéfique.

La protection du survivant peut aussi s’anticiper dès l’achat du logement familial, grâce au recours à des stipulations dans l’acte, qui permettra des proportions d’acquisition différentes de la réalité du financement. Cette protection peut également résulter du choix du régime. En effet, les partenaires ayant opté pour le régime de l’indivision sont dans une situation plus confortable, propriétaires pour moitié chacun indépendamment d’un financement inégal.  En revanche, malgré ces divers montages juridiques organisés par les partenaires, nous l’avons compris, rien ne peut égaler la protection accordée au conjoint survivant lié par les liens du mariage.

Mariage

Bénéficiant d’un régime légal très protecteur, la loi permet de surcroit au conjoint survivant d’organiser une protection sur mesure. Une importante palette d’outil s’offre aux couples mariés, allant d’avantages matrimoniaux comme le prélèvement avant tout partage du logement familial, apport à la communauté de biens du logement propre de l’un du couple, à la très connue donation entre époux, communément nommée « donation au dernier vivant ». Cette donation est très appréciée notamment des familles recomposées à qui le législateur a écarté l’option légale en usufruit. Afin d’assurer aux couples mariés le respect de leur volonté, tout en préservant la réserve des enfants, ils bénéficient d’un régime spécial quant à l’imputation de leurs libéralités. En effet, seules les couples mariés peuvent disposer de l’usufruit de la réserve.  Le conjoint survivant est par conséquent certain qu’il pourra rester dans le logement du couple en cas de décès de l’un, sans être inquiété de la présence d’enfant, héritier réservataire.   Pour finir, n’oublions pas qu’une volonté peut défaire d’une main ce qu’elle a accordé de l’autre. Il peut être également utile, en fonction de la configuration familiale, de recourir au testament pour réduire, voire supprimer les droits de son conjoint survivant.

Ainsi, pour une protection sur mesure, n’hésitez pas à consulter votre notaire !